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Éclairage sur les effets de la lumière bleue

To optimize your sleep and wellbeing, give preference to sunlight during the day and darkness at night

Depuis quelque temps, nous voyons apparaître de plus en plus de publicités, articles, rapports nous avertissant sur les dangers potentiels de la lumière bleue. Cette lumière bleue serait nocive pour nos yeux, notre sommeil, voire notre appétit !  Et si vous portez des lunettes et que vous travaillez souvent sur écran, votre ophtalmologiste ou opticien vous a sûrement déjà prescrit des verres « anti-lumière bleue » !

Pourtant, saviez-vous que la lumière du soleil à laquelle nous nous exposons chaque jour, est elle-même très riche en lumière bleue ? Pourtant cela ne semble pas avoir compromis notre existence, ni nous avoir poussé à vivre dans des caves nuit et jour. Que faut-il alors croire ?  La lumière bleue est-elle réellement dangereuse ? Si oui, sous quelles conditions ? Et de quelle lumière bleue parle-t-on exactement ?

Voici les connaissances scientifiques acquises à ce jour sur le sujet.

 

Les effets photochimiques de la lumière bleue

Les UVs et la lumière bleu-violet (380 – 495 nm) sont les longueurs d’ondes les plus énergétiques, et donc potentiellement les plus nocives pour l’œil humain.

Spectrum of visible light
Spectre de la lumière visible

 


Si les effets nocifs des UVs, en particulier sur la peau et sur les yeux (cataracte), ont déjà été identifiés depuis longtemps, des recherches plus récentes ont montré qu’une exposition à lumière bleu-violet aggraverait au fil du temps certaines maladies oculaires, comme la DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge, entraînant une cécité permanente)1,2. Des chercheurs de l’INSERM auraient identifié les longueurs d’ondes les plus critiques : 415 nm et 455 nm, avec un pic à 430 nm3.

Certains types de populations y seraient plus sensibles que d’autres, comme les enfants, les personnes aphakes (sans cristallin) et pseudophakes (crystallin artificiel), et les personnes sensibles à la lumière comme les patients atteints de DMLA. Le risque dépendrait de la dose cumulée (et donc des intensités et durées d’exposition) de lumière bleue à laquelle un individu a été exposé. Des expositions modérées répétées sur de longues durées seraient suffisantes pour induire un risque de lésions rétinales1.

Cela dit, la toxicité de la lumière bleue n’a jamais pu être démontrée précisément par des études épidémiologiques chez l’homme, en raison notamment d’une difficulté à évaluer l’exposition cumulée et les prédispositions individuelles1,4. Aujourd’hui, une incertitude demeure notamment quant à l’intensité et la durée accumulée d’exposition à cette lumière bleue responsables des effets nocifs. 
 

Impact sur les rythmes circadiens 

Comme déjà évoqué dans un précédent blog, des recherches récentes ont par ailleurs mis en lumière le rôle clé de la lumière, et en particulier de la lumière bleue, dans la régulation de nos rythmes circadiens et d’autres fonctions biologiques humaines. En journée, elle favorise une bonne qualité de sommeil, la vigilance, la mémoire, l’humeur etc. En revanche, une exposition à une telle lumière bleue la nuit a pour effet de décaler notre horloge biologique, entrainant des dérèglements et des troubles allant d’insomnies à des troubles plus graves comme le diabète, l’obésité ou le cancer5.

Comment se fait-il que cette lumière bleue ait un tel pouvoir ? En fait, les photorécepteurs (« ipRGCs » pour rappel) et principalement responsables des effets dits non-visuels, contiennent un photopigment, la mélanopsine, dont la sensibilité est maximale autour du bleu (environ 460-480nm, bleu-turquoise)6. Il a également été constaté que ce pic de sensibilité était lié à la sensibilité de la mélatonine7, hormone dite du sommeil et qui est supprimée en cas d’exposition à une telle lumière bleue. En comparaison, le pic de sensibilité de notre système visuel (correspondant à la sensibilité des cônes et bâtonnets) est situé autour du vert (environ 550 nm) :

Sensitivity peaks of the different types of photoreceptors in the human eye Source: Unified framework to evaluate non-visual spectral effectiveness of light for human health, Amundadottir M.L., Lockley S.W., Andersen M., 2015
Pics de sensibilité de différent types de photorécepteurs de l’œil humain
Source: Unified framework to evaluate non-visual spectral effectiveness of light for human health, Amundadottir M.L., Lockley S.W., Andersen M., 2015

 

Toutefois, il est important de rappeler que les recherches dans ce domaine sont encore loin d’être abouties, et que de futures études doivent encore être menées, notamment vis-à-vis des valeurs quantitatives précises déclenchant ces effets.

 

Un débat à l’ère de la digitalisation et des LEDs

La question de l’exposition à la lumière bleue est survenue principalement suite à l’apparition des LEDs (diodes électroluminescentes) sur le marché de l’éclairage et de l’électronique. Reconnues pour leur très longue durée de vie, en plus d’être très peu énergivores, celles-ci sont de plus en plus utilisées dans les dispositifs d’éclairage, y compris ceux équipant les écrans de smartphones, tablettes et ordinateurs.

Or ces nouvelles sources d’éclairage ont la particularité d’être fortement émettrices de lumière bleue (en particulier les LEDs dites « froides », à température de couleur autour de 6000°C), bien que la lumière produite apparaisse blanche. Si l’on regarde leur spectre, ce dernier présente une forte composante en lumière bleue (longueurs d’ondes comprises entre 380 nm et 500 nm), contrairement à d’autres types d’éclairage plus traditionnels :

spectrum of light
Spectres de différentes sources de lumière (source: http://powersscientific.com)

 

L’exposition grandissante de la population à ces LEDs a participé à amplifier le débat sur les effets de la lumière bleue. Si ce débat reste aujourd’hui encore ouvert, une chose est sûre : si vous avez du mal à vous endormir au coucher, demandez-vous si vous ne passez pas un peu trop de temps le soir sur votre smartphone, à consulter vos mails sur votre ordinateur8,9

 

Quid de la lumière du soleil ?

Contrairement aux autres sources connues, la lumière du soleil contient une grande quantité de toutes les couleurs du spectre visible. En comparaison aux sources d’éclairage artificiel, elle émet des rayonnements d’intensité bien supérieurs, et c’est aussi la source la plus riche en lumière bleue comme on peut le voir sur le graphe précédent.

S’y exposer au maximum pendant la journée est donc le moyen le plus efficace pour réguler notre horloge interne et activer nos fonctions non-visuelles. D’un autre côté, n’est-ce pas exposer nos yeux à davantage de risques de dégénérescence ? Là aussi, ce qui compte au final n’est pas tant le fait d’être exposé ou non à la lumière bleue, mais la quantité totale à laquelle nous y serons exposés au cours de notre vie. Une première manière de limiter les risques est d’éviter lorsque nous sommes à l’extérieur de fixer le disque solaire sans aucune protection visuelle. Ceci vaut aussi lorsque nous sommes à l’intérieur et qu’un soleil très bas arrive directement dans notre champ de vision.

 

Conclusions et recommandations

La lumière bleue aurait des effets autant nuisibles que bénéfiques sur la santé. Les effets dépendraient du moment, de la durée et de l’intensité de l’exposition d’un individu à cette lumière bleue.

Notons également que selon le type de lumière bleue, les effets sur l’homme ne sont pas les mêmes : la lumière bleue-violet est responsable des effets photochimiques sur la rétine, tandis que la lumière bleue-turquoise agit sur l’horloge biologique.

Concernant les effets sur la rétine, les études scientifiques conduites à ce jour ne permettent pas de conclure précisément sur la toxicité de la lumière bleue sur le système oculaire humain. La dose d’irradiation serait le facteur le plus important pour déterminer son impact. Les caractéristiques individuelles telles que l’âge, les prédispositions génétiques, rentreraient également en compte. 

Des études supplémentaires sont nécessaires pour confirmer les effets d’une exposition cumulée de la lumière bleue à moyen et à long-terme. Ceci étant dit, des recommandations vis-à-vis de l’exposition à la lumière bleue ont déjà pu être établies dans des normes à la fois pour le public professionnel et le particulier. C’est par exemple le cas en France de la norme NF EN 62471 qui définit quatre groupes de dangerosité pour les sources telles que les LEDs suivant la durée d’exposition maximale admissible de l’œil à la lumière10. Par ailleurs, de nouveaux verres de lunettes permettant de filtrer une partie de la lumière bleue sont aujourd’hui disponibles sur le marché. Ils sont destinés non seulement aux patients atteints de DMLA, mais aussi à tout individu en bonne santé pour prévenir les potentiels effets de la lumière bleue.

D’autre part, les effets de la lumière bleue sur l’horloge circadienne et notre sommeil sont maintenant reconnus, et des recommandations commencent aussi à voir le jour. La Commission Internationale de l’Eclairage (CIE) a publié récemment plusieurs documents techniques sur les effets non-visuels de la lumière visant à apporter un éclairage sur l’état des connaissances dans ce domaine11,12. Des travaux pour intégrer ces effets dans les futures normes internationales sont aussi en cours au sein du comité de normalisation ISO/TC 274. 

Dans l’attente, une recommandation simple pour vous sentir plus en forme la journée et limiter les risques d’insomnies le soir : profitez au maximum de la lumière du soleil en journée, privilégiez les éclairages « « chauds » (température de couleur autour de 2700°C) chez vous le soir, et dites au revoir à vos écrans dès la nuit tombée. Et si vous n’arrivez vraiment pas à décrocher, des applications comme f.lux, Nightshift (iOs) ou Twilight (Android) peuvent peut-être vous venir en aide13...

To optimize your sleep and wellbeing, give preference to sunlight during the day and darkness at night

Pour optimiser votre sommeil et votre bien-être, privilégiez la lumière du soleil en journée et l'obscurité le soir.

 


 

  1.  ANSES (2010) Effets sanitaires des systèmes d’éclairage utilisant des diodes électroluminescentes
  2.  Good, G.W., (2014) Light and Eye Damage, American Optometric Association
  3. Arnault E, Barrau C, Nanteau C, Gondouin P, Bigot K, Viénot F, Gutman E, Fontaine V, Villette T, Cohen-Tannoudji D, Sahel JA, Picaud S. (2013) Phototoxic action spectrum on a retinal pigment epithelium model of age-related macular degeneration exposed to sunlight normalized conditions. PLoS One. Aug 23; 8(8)
  4.  Lagacé, J.P., (2016) La lumière bleue nous cause-t-elle vraiment les bleus ? Optimétriste Mars-Avril 2016
  5.  R. G. Foster and K. Wulff, “The rhythm of rest and excess,”Nature Reviews Neuroscience, vol. 6, no. 5, pp. 407–414, 2005.
  6.  Berson DM, Dunn FA, Takao M. Phototransduction by Retinal Ganglion Cells That Set the Circadian Clock. Science 2002; 295: 1070–1073.
  7.  Najjar RP, Chiquet C, Teikari P, Cornut PL, Claustrat B, Denis P, Cooper HM, Gronfier C. Aging of non-visual spectral sensitivity to light in humans: compensatory mechanisms? Plos One, 2014 Jan 23:9(1)
  8.  Cajochen C, Frey S, Anders D, Späti J, Bues M, Pross A, Mager R, Wirz-Justice A, Stefani O.(2011) Evening exposure to a light-emitting diodes (LED)-backlit computer screen affects circadian physiology and cognitive performance.J Appl Physiol (1985). 2011 May;110(5):1432-8. doi: 10.1152/japplphysiol.00165.2011
  9.  Chang, A.M., Aeschbach, D., Duffy, J.F., Czeisler, C.A., (2015) Evening use of light-emitting eReaders negatively affects sleep, circadian timing, and next-morning alertness, 1232–1237,PNAS, vol. 112 no. 4
  10.  NF EN 62471 Sécurité photobiologique des lampes et des appareils utilisant des lampes
  11.  CIE Statement on Non-visual effects of Light. Recommending proper light at the proper time
  12.  CIE TN 003 :2015 Report on the First International Workshop on Circadian and Neurophysiological Photometry
  13.  https://www.lightzoomlumiere.fr/interview/ecrans-connectes-filtres-lumineux-efficaces-sommeil/